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22 octobre 2010 5 22 /10 /octobre /2010 12:09

Le jeune Chris porte un short court, des chaussettes blanches lui remontant sous les genoux, de vieilles godiots qu’il a usé à courir à travers champs, à grimper aux arbres. Sa chemise trop grande pend sur ses cuisses mais il l’aime, elle appartenait à son père, tout un symbole que de la porter. Sa mère l’a envoyé chercher le pain ce matin et les pièces, dans sa poche, émettent une mélodie cacophonique en réponse à son sautillement joyeux.

Il tourne le coin de la rue et se trouve face à deux hommes. Il arrête de siffler et sautiller et reste médusé un instant. Les deux hommes sortent de la banque, l’un derrière l’autre. Le premier à sortir a du sang qui lui coule du nez et penche la tête arborant une grimace de panique. Un pistolet est pointé sur sa tempe. L’homme qui le tient est énervé et pressé, il hurle des ordres à travers un filet noir qui lui couvre le visage. Le jeune le reconnaît pourtant, c’est Gérard, le fils de son voisin fermier.

-Qu’est-ce tu fais Gérard ? demande le jeune

-Ne prononces pas mon nom, je ne suis pas Gérard, files de là, c’est une affaire de grand !

Les grands, Chris peine à les comprendre, à comprendre ce qui régit leurs actes. Gérard est généralement avachi dans une botte de foin à attendre que le temps passe. Et il raconte beaucoup d’histoires de gangsters à Chris, des braquages de banques, des demandes de rançons. Il lui explique la liberté euphorique que ressentent les malfrats en cavale. Il lui dit que son jour viendra, qu’il sera riche et intouchable et que si Chris le souhaite, il l’emmènera avec lui.

-J’ai de l’argent, dit Chris, des pièces toutes neuves que Maman m’a donné. Si tu m’emmène, je partage avec toi.

-Files je te dis, je ne suis pas celui que tu crois.

Gérard regarde le gamin à ce moment et ne voit pas venir le troisième homme derrière lui. Un coup de clé à mollette sur le crâne lui fait lâcher son arme. En tombant, le coup fuse et la chemise du Père change de couleur. Les yeux tétanisés de Gérard s’humidifient. Il courre vers le jeune et lui prend la tête dans ses mains. Chris a du mal à parler. Il sort les pièces de sa poche et les donne à Gérard :

-Sauves-toi lui dit-il, tu pourras acheter du pain pour manger, tu es Jack l’arnaque et je suis Bud celui dans tes histoires qui reste sur le trottoir et regarde le ciel en souriant. Ils vont s’occuper de moi, c’est ta chance !

Jack part en courant alors que les quelques badots présents se ruent sur Bud. Il regarde le ciel. Les nuages dessinent des papillons et des iles blanches éparses sur l’immensité bleue. Bud sourit en écoutant les pas fuyant de Jack.

La blessure n’est que superficielle, quelques jours chez le docteur Gélaud suffisent à le remettre sur pieds. Le docteur lui explique que le voleur est maintenant sous les verrous, qu’il s’agit de Gérard, qu’il ne faut pas s’inquiéter. Parfois les adultes ont des réactions étranges mais plus rien ne pourra lui arriver. La larme à l’œil, Chris rentre chez lui accroché à la main de sa maman. Il trouve un paquet à son nom. Un gros pain de campagne sur lequel un mot est écrit. « Je ne comprends pas plus les grands que toi, peut-être parce que je n’ai jamais arrêté de rêver. Je viendrai te chercher, Merci Bud ! Jack »

Allongé dans la botte de foin, Bud imagine sa vie en cavale en regardant le ciel noircir à l’approche de la tempête.

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