L’orangeraie a surgi de nulle part, un vert éclatant dans un décor de bitume pâle. Les fruits exhibaient leur robe étincelante en narguant la morosité des bâtisses autour. Quelques balcons cependant, d’un blanc lumineux tentaient la concurrence, ils me faisaient sourire les pauvres.
En m’approchant, je ne comptais plus que deux oranges, l’une ayant une hernie moisie et l’autre quelques trous sombres et peu attrayant. Je salivais pourtant et Il me fallait faire un choix. L’idée d’une explosion de vitamines et de jus frais sur le palais me titillait les neurones. Je me décidais pour l’orange à la blancheur nauséabonde. Mon doigt pénétra instantanément la puanteur visqueuse de la moisissure. Un haut le cœur me souleva l’estomac et je lâchais prise. En tombant, l’objet de ma convoitise explosa dans un bruit sourd désagréable, humidifiant mes souliers de pulpes passées. Je pris mes jambes à mon cou, je voulais fuir cette horreur, mais la senteur me collait aux basques. Je me déchaussais, jetais les serpillères en guise de chaussette et continuais ma course.
Un bruit étrange, je levais les yeux vers le ciel, un violent coup sur le crâne me mit à terre. La pastèque avait été l’arme de dispute dans l’appartement et son vol éphémère me choisi comme piste d’atterrissage. Quand je recouvrais mes esprits, des fruits de toutes origines m’encerclaient, ils étaient pourris, puant, des vers en sortaient comme des crochets d’ardoise sur un toit breton et me rampaient sur le corps. Incapable de bouger le moindre membre, je tentais de crier mais suffoquais et tournais de l’œil.
Je n’ai jamais su s’il s’agissait d’un rêve, d’une histoire vécue, d’un trip porté par les drogues mais je n’ai jamais retrouvé l’orangeraie et chaque fruit qui m’est présenté voit mon estomac se révulser et je détale à toute jambe.
Je coure donc régulièrement, sans but, simplement pour m’éloigner et une grande peur me dévore, celle d’atteindre le bout du monde et me jeter dans un néant infini.