Malgré la protubérance frontale du a ma maladresse, je suis parvenu jusqu’à mon domicile. La branche que m’a offert le Chêne s’est brisée lors de ma chute. J’ai déposé chaque morceau sur ma table basse, sous le verre, alignés de façon à reconstituer ce qu’elle était.
Je me suis absenté quelques semaines, emportant avec moi une feuille de mon ami. Je souhaitais lui faire découvrir d’autres aspects de la planète : la partie liquide, celle qui disparaît à l’horizon dans des représentations aussi variées que spectaculaires.
A mon retour, je fus stupéfait !!
Ma table flottait à quelques mètres du sol. La branche ne s’était pas seulement reconstituée, elle avait donné naissance à des racines et redonné vie aux quatre pieds sous le plateau de verre. Ils avaient épousé mon plancher jusqu’à le transpercer. Un chêne vivait au milieu de mon salon, quelques branches lourdes de ses fruits envahissaient l’espace. Une colonie de fourmis rouges s’activait en traversant la pièce. Le tamanoir, avachi en travers de ce qui fut mon séjour, les surveillaient du coin de l’œil, se régalant de temps à autre d’une bonne lampée de ces petits insectes énergiques.
Mon désarroi me fit reculer et partir en courant vers le haut de la colline. C’est à bout de souffle que je le découvris. Il avait rapetissé de moitié et m’accueilli d’un large sourire :
-Alors ? Que penses-tu de mon présent ? Ne t’avais-je pas dit qu’il était plein de surprises ?
-UNE ENORME surprise veux-tu dire. As-tu seulement idée de ce que tu as provoqué ?
-Pas la moindre, je sens cependant que l’évolution trace son chemin.
-Je ne me suis pas méfié des apparences…
-Le nouveau monde où tu es allé, quelle sensation !! Je pouvais flotter, une beauté impalpable, amplifiée d’une férocité maîtrisée.
-Ca va les grands mots hein ! Un chêne remplace mes canapés et ta vulnérabilité grandi à l’extérieur et s’amenuise à l’intérieur, et dans mon intérieur en l’occurrence !
-Mon envie semble prendre forme. La chaleur de ton foyer m’a tant évoqué, les enfants ont grandi et déserté, les amoureux ont commencé à se disputer, je sentais que tu voulais partager.
-Le partage est affaire de mesure. C’est un échange que nous devions entretenir. Là c’est de l’invasion !
-Tu m’as ouvert ton cœur et j’ai cru bien faire. Je n’étais pas conscient des conséquences. Crois-tu que tu pourras t’en accommoder ?
-Le tamanoir est heureux, mais devient flémard. Un peu de nature n’a jamais fait de mal… Crois-tu que je puisse accueillir tes oiseaux ? Leur chant délicat enjolivera ma vie.
-Laisses-moi encore un peu de temps. Emmènes-moi de nouveau découvrir tes passions, j’ai pris le goût du voyage, mes racines me démangent et j’ai soif de notre monde.
Je suis reparti, un œil en l’air, l’autre à terre. Il a besoin de temps, j’ai besoin d’évasion. J’ai rêvé sur le chemin du retour et lorsque mon esprit m’a rejoint, l’environnement m’était inconnu. Un nouveau périple commençait. Je souriais du mystère qui se présentait.