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16 mai 2010 7 16 /05 /mai /2010 10:54

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Je suis frigorifié.

Les premières heures étaient supportables. La lumière du jour me rassurait, mes yeux étaient utiles et il était encore là et vivant. Nous pouvions bavarder, nous motiver l’un l’autre, échanger des lueurs d’espoir. Il bougeait beaucoup, sans doute pour se sentir vivre. Il rigolait, occultait la situation désespérée et improbable dans laquelle nous nous trouvions. Je parvenais encore à rire, puis seulement à sourire, puis je n’étais capable que d’une détresse qui me tordait le visage.

D’abord, il s’est tu. Il ne répondait à mes questions qu’avec un hochement de tête et un petit râle à peine audible. Il s’est ensuite arrêté de bouger. Je le regardais, j’ai vu sa tête s’incliner dans un ultime mouvement, s’incliner vers les profondeurs et demeurer là, inerte. Si seulement j’avais pu prier…

Je n’ai pas eu la force de hurler. Mon cœur déchiré le voulait mais mon corps, endoloris, refusait toute action. Je ne l’ai pas quitté des yeux, ma façon de rester auprès de lui. Il s’est éloigné doucement, poussé par un vent glacial et piquant, et il a disparu. Je suis désolé, mes forces m’avaient déjà abandonné et je ne pouvais te maintenir à mes cotés.

J’entends encore son rire, j’entends encore son espoir résonner en moi. J’essaie de le cultiver, je n’ai jamais été très doué avec les plantes et je suis frigorifié.

Les objets du naufrage ont disparus de ma vue, comme si H. les avait emporté avec lui, comme s’il voulait que je me débrouille seul, comme s’il n’y avait pas de raison pour que je vive et pas lui.

Je sens des choses sur mon corps. Je n’ose imaginer ce qu’elles sont. Je ne veux pas éprouver de peur en plus. Je sais pourtant qu’il me tourne autour. Ces vautours sous-marins attendent mon heure, attendent que ma chaire s’attendrisse. Ils viennent palper de temps à autre ma peau bleue fripée par le sel et le froid. Je les ignore, du moins j’essaie.

J’aurais aimé partir le premier, ne pas vivre ces heures d’angoisse où l’espérance n’a pas sa place. Mon instinct de survie en a voulu autrement. La vie se venge de ce que je lui ai infligé. Elle maintient mes douleurs et en provoque de nouvelles chaque minute.

Mais je suis serein maintenant. Je n’en ai plus pour longtemps. Quelque chose m’a croqué tout à l’heure. Je ne sens plus mes jambes mais mon sang qui s’en échappe et ma tête et mes pensées qui s’empâtent doucement.

Mais après tout, c’est moi qui décide. Alors je lâche la bouée, dernier vestige de mon navire qui a sombré. Je coule, je me libère, enfin, ça fait du bien, je n’ai plus froid maintenant.

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commentaires

J
<br /> je dirai meme plus : ouaaaaaaa, des frissons sur le corp! c est bien ce que tu écris mon frere et c'est dure<br /> <br /> <br />
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C
<br /> ouaaaaaaaaaaaaaa..... impossible de s'arrêter quand on commence..... tu nous emportes complètement avec toi. Bravo monsieur Rouxel<br /> <br /> <br />
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