Il nageait en cercle. Au départ, il tournait sur lui-même, se délectant de la douceur de l’eau sur ses écailles. Il semblait jubiler et malgré lui, les cercles s’agrandissaient à chaque tour.
Quelques minutes à peine et il se trouva contre une vitre. Il s’agitait toujours et tournait en appuie contre cette vitre. La vue était étonnante. Quantité d’objets étranges et parfois de gros yeux, juste là, qui tournaient avec lui.
Chaque passage le surprenait. Il émettait alors quelques bulles, reculait puis se trouvait à tourner sur lui-même de nouveau, élargissant le cercle jusqu’à toucher une surface claire, lisse et transparente. Il voyait des objets étranges et de gros yeux parfois qui tournaient à son rythme. Il sursautait, reculait, tournait sur lui-même, élargissait les cercles …
Un jour, alors qu’il nageait, fleurirent des formes de questions derrière ses propres yeux. Avait-il déjà vu ce qu’il contemplait ? Qui était-il ? Avait-il un nom ? Qu’est-ce qu’un nom ? Quels sont ces objets saugrenus ? Depuis quand vit-il ? Et enfin qu’est-ce que la vie ? N’apportant jamais de réponse, il se répétait ces interrogations.
Ces questions arrivaient généralement …
Où voulais-je en venir ?
Il y avait un bocal. Non, je tournais sur moi-même et j’ai commencé à nager en regardant un poisson rouge marcher et me regarder. Il me semble d’ailleurs avoir pris peur.
Je ne sais plus.
En tournant sept fois, on réfléchit. Je ne crois pas avoir jamais dépassé les cinq fois…
Quel sont ces yeux globuleux qui me regardent ? J’agrandi les cercles, je prends mes distances.
Etrange ! Le poisson s’est arrêté. Il regarde vers le haut un instant puis descends dans les profondeurs claires et limpides du bocal et fait le mort.
Je n’y crois pas, j’ai vu des poissons morts dans les eaux nauséabondes du parc de Versailles, et ils flottaient.
Alors je tourne cinq fois. Un effort démesuré me permet d’atteindre six tours. J’entame le septième, mais le poisson s’élance, perce la surface, effectue un magnifique déhanché, retombe sur le bord en verre, rebondie et se trémousse lamentablement sur le sol devenu humide. Il s’immobilise. J’avais raison et maintenant, il doit être mort. Il fait moins le malin.
Je finis mon septième tour, attrape le poisson et l’avale.
Je vide le bocal, me le retourne sur la tête, m’arme d’une hache et part en courant dans la rue en hurlant : « I come in peace !! I come in peace !! »
Quand des êtres bleus m’ont demandé pourquoi, je les ai fait asseoir. Je suis allé derrière la vitrine et j’ai tourné sur moi-même. J’ai agrandi les cercles, puis j’ai touché une surface claire, lisse et transparente. De gros yeux me regardaient et tournaient à mon rythme …
